Born in the USA
La tempête en Bretagne 2023 est née dans le nord des États-Unis. Lors de la journée du lundi 1er Novembre, un petit courant polaire venu du Nord et un petit courant chaud venu du Sud se rencontrent…
Il ne s’aiment pas d’amour tendre, comme dit la chanson de Gréco. Ils se confrontent, se regardent d’un oeil noir, s’enflent et tournoient, ne peuvent plus s’arrêter et continuent leur valse endiablée vers le sud-est des Iles Brittaniques. Le mercredi 2, leur danse célestielle s’approche des côtes de la Bretagne.
On se prépare
Les premiers effets de son avancée implacable sont prévus sur la pointe bretonne en début de soirée.
Nous habitons dans un mobile home, pendant la rénovation de notre maison. Des arbres centenaires se déploient au dessus de notre quartiers modestes. Ayant vécu (et survécu mais ça c’est une autre histoire) la tempête en Bretagne de 1987, nous estimons que nous serions peut-être plus protégés dans notre cour intérieure, devant la maison.. On espère…Alors on s’est installés dans notre fourgon pour la nuit.
Nous avons de la chance, la température est douce. Idéal pour camper ! La journée a été ensoleillé mais je m’attends au pire. Le calme avant la tempête. J’entends le vent souffler, les rafales arrivent. Au milieu de la nuit, à 2 ou 3 reprises, j’ai peur. Je sens le vent s’engouffrer sous le fourgon. Tant bien que mal, j’arrive à m’octroyer quelques heures de sommeil entrecoupé.
Tempête en Bretagne Ciaran : constat des dégâts
Au petit matin, mon mari Nicholas se lève. Je suis encore engourdie de sommeil quand il me dit : “Gabrielle, nous avons eu un petit désastre!… La serre et la cabane (son atelier) ont été aplaties…”
Je ne suis plus engourdie de sommeil ! Je me lève et vais constater les dégâts… Le “petit désastre” consiste en un vieux chêne d’environ 200 ans et 30 mètres de haut. Isn’t it IRONIC ? Comme dit la chanson d’Alanis Morissette. De tous les arbres qui entourent notre terrain, un seul est tombé. Quelques jours plus tôt, Nicholas partageait son bonheur d’avoir pour la première fois dans sa vie un endroit personnel où il pouvait travailler, après dans d’années à “bourlinguer”. Quant à la serre, c’était mon bonheur à moi. A part la laine, bien sûr !!!
Tout d’abord, on ne sait où commencer… En effet, notre “campement” ressemble à une “disaster zone”.
Ha ! Enlever les branches qui nous bouchent l’entrée de la caravane serait peut-être une bonne chose. En tombant, l’arbre a abimé celui d’à côté. une branche nous a troué le toit de notre modeste habitation et le reste se balance au dessus… Situation un peu précaire, si vous me demandez mon avis… Alors on bouche le trou avec des sacs de copaux. (Je savais bien qu’on allait s’en servir un jour !) Cependant, ne peut y retourner habiter que lorsque l’arbre est sécurisé.
Malgré la pluie incessante et le vent, on arrive à enlever quelques branches. Le reste me semble quelque peu insurmontable… pour le moment. Je commence à réaliser l’échelle du travail pour revenir à la normale… et ce n’est pas réjouissant.
On sauve ce qu’on peut
Le vent et la pluie se sont quelque peu calmés.
J’imagine que je suis dans Boot Camp aventure extrême ! Après tout le travail investi dans ma serre, pas question que mes tomates vertes enfouies sous la serre pourrissent ! Alors je mets mes genouillères… et je RAMPE !!! Pas une tomate ne m’échappe ! A moi les confitures et les chutneys ! Nicholas a dû venir à mon secours… En effet , je me suis empêtrée dans les fils de fer et les ficelles. J’ai mangé de la boue ! Et je n’arrivais plus à sortir. Heureusement, maintenant, j’en rigole…
Nicholas fait ce qu’il peut par ce temps de chien (mes excuses au règne canin).
La tâche semble GIGANTESQUE. Il va falloir plusieurs semaines pour tout dégager, temps précieux qui pourrait être utilisé pour la rénovation de notre maison… Je commence à douter que nous y serons l’hivers prochain.
Tout ce que nous pouvions mettre dans la caravane et devaient être au sec étaient sous cet abri (entre autres la cuisinière en bois de ma grand-mère et notre congélateur qui ont disparu sous les décombres).
Mais surtout, les meilleurs outils de travail à Nicholas sont enfouis, ainsi que des tonnes de cuillères et bols prêts à être finalisés. Des semaines de patient travail, achevé avec ses mains sans outils électriques…
Nicholas arrive à se faufiler entre les décombres. Là encore, ironie du sort : ses meilleurs outils, ses cuillères et ses bols ont été fracassés par la partie la plus lourde de l’arbre…
Par contre, ma laine peut être sauvée. Les boîtes sont brisées bien sûr, mais les tôles l’ont protégée de la pluie. Notre adorable compagnonne chat Miaow Miaow Prrttt qui avait élu logis prêt de mes boites, sort indemne ! Que sa chère petite âme soit bénie !!!!
Tempête en Bretagne ou non, ne pas se prendre trop au sérieux…
Bien sur, en temps de crise, il est essentiel de voir les côtés positifs…
Nous avons toujours fait preuve de résilience en cas de crise.
J’y trouve un sens de l’aventure. Je commençais à en avoir assez de la sédentarité, mais là, je n’ai pas de quoi me plaindre…
En effet, je suis en bas, en haut, en bas, en haut, secouée comme un yoyo !!! Youppie !!!! J’fais du camping, c’est super ! Arrrgh ! J’fais du camping, c’est terrible, j’en ai marre… Mais non ! Je suis en vacances ! J’ai quitté ma caravane avec son superbe petit poêle à bois pour aller 50 mètres plus loin, dans mon van sans chauffage !
C’est pas une aventure, ça, hein ?
J’installe une cuisine de fortune au milieu des sacs de ciment dans la maison. Je sors les bougies, c’est beau Rien de tel qu’une flamme, si petite soit-elle, pour faire chaud au coeur.
Bien que n’avions pas imaginé notre première nuit dans notre maison ainsi la 3ème nuit, nous dormons dans le grenier de la maison. L’isolation a été complétée il y a quelques jours, et c’est confortable.
Il faut juste que je me souvienne où je suis, au cas où j’ai un besoin au milieu de la nuit.. Pas de porte ou de mur protégeant la cage d’escalier… Ha ! Ca serait une aventure dont je me souviendrai, si je finis à l’hôpital…
“Seuls nous pouvons faire si peu, ensemble nous pouvons faire beaucoup” (Helen Keller)
Cette citation ne peut être plus vraie. Il est aussi vrai qu’en temps de crise, on apprend vite sur qui on ne peut compter. Et la vie peut aussi nous faire d’admirables surprises.
Malgré les routes encombrées d’arbres tombés, l’électricité coupée, l’humidité qui pénètre tout, leurs 2 enfants en bas âge qui demandent leur attention inconditionnelle, Léna et Yves-Marie bravent les obstacles afin d’ouvir le Ti Melen, sans lequel Plourac’h n’a plus de coeur battant…
C’est automatiquement là où l’on se rend pour un peu de conversation, pour trouver de la chaleur humaine, pour une bonne tasse de café, une plaisanterie, le club tricot, de temps à autre de la musique “live”… Le matin du 2, par contre, la bonne humeur n’est pas présente. Tout le monde, moi comprise, est en compétition pour le meilleur look “les chevaliers de l’apocalypse sont arrivés !”.)
Les habitants de Plourac’h viennent y partager leur consternation et pour les quelques prochain jours, faute de télé et d’internet, échanger des nouvelles.
La tempête on Bretagne : tout nuage a une doublure argentée
Il y a eu des mauvais moments… Où je me suis laissée décourager et déprimer par la situation. Mais ils n’ont jamais duré très longtemps. Car il y a ces petits moments, ces petits gestes d’empathie qui font que, tout comme le Phénix rejaillit de ses cendres, l’espoir et la joie refont toujours surface.
Merci à tous ceux qui nous ont procuré de quoi installer notre cuisine de fortune, qui nous ont offert l’usage de leur maison, qui ont proposé leur aide et prêté une oreille attentive et compatissante.
Et merci à la PROVIDENCE, qui a mis sur mon chemin notre extraordinaire ami Hervé. Sans lui, je n’aurais peut-être jamais rencontré Pierre, qui a rendu possible notre retour au chaud dans notre caravane, en élaguant l’arbre qui menaçait de tomber sur notre caravane.
Une éternelle gratitude à lui et ses 4 potes, qui sont arrivés armés chacun d’une tronçonneuse. Mes superbes guerriers !!! Sans eux, nous aurions encore des semaines de travail devant nous. Comme le disait Georges Brassens dans sa chanson “L’auvergnat“… Votre acte de bienveillance et générosité dans mon âme brûle encore à la façon d’un feu de joie.
